Je me laissai tomber devant l’étal vide, le souffle court. Mon premier réflexe fut d’enlever ma mandoline et de me libérer de ce fardeau. Le marchand avait été insupportable tout le long du trajet, ne cessant de se plaindre que je n’allais pas assez vite, que je voulais sa ruine lorsqu’une branche accrochait par hasard le sommet de la pile de biens… Je me dirigeai donc vers Janus et exigeai mon dû. Il commença à faire des manières, disant que j’avais mal joué, que son meuble avait eu un accroc, que ci, que ça…
Excédée, je dégainai brutalement mon arme en prenant soin de la faire chuinter et lui en plaçai la pointe sous le menton. Il s’immobilisa aussitôt.
« Ecoutez, mon ami, j’ai sauvé votre matinée et votre dos au mépris des miens, alors je vous serai reconnaissante de ne pas pousser le bouchon trop loin. Payez-moi, et qu’on en finisse. »
« Mais-mais très certainement ! » bégaya-t-il en farfouillant dans une bourse à sa ceinture. Je rangeai mon poignard, satisfaite, et tendis la main pour recueillir ce que de droit. Je recomptai soigneusement la somme pour prévenir toute entourloupe, puis lui adressai un sourire radieux.
« Au plaisir de vous revoir, très cher Janus, même si j’espère que ce ne sera pas dans cette vie. » conclus-je en glissant les cinq cent écus dans ma bourse, qui m’adressa un tintement joyeux en réponse.