[Claire] Mission 1 partie 1

Je sortis de l’auberge où j’avais élu domicile pour la nuit et m’adossai à son mur doré par les premiers rayons du soleil naissant, caressant du bout des doigts ma fidèle mandoline. Nous avions vécu bien des choses, elle et moi, depuis que je l’avais… C’était un vrai miracle qu’elle n’ait jamais pris de coup fatal, compte tenu du fait que je la transportais très souvent avec moi en raison de l’absence d’un endroit sûr où la laisser dans la plupart de mes missions.
Prise d’une soudaine inspiration à la vue d’un oiseau aux couleurs vives, je m’élançai dans une petite improvisation joyeuse qui eut le mérite d’attirer un sourire sur le visage des passants matinaux. La plupart semblaient se rendre à leur travail – essentiellement des serveuses ou des barmen, à en juger par leur allure et par les bâtiments où ils pénétraient. Aussi, en étant dans le quartier des auberges et des tavernes…
Rapidement, la rue se remplit des clients moins matinaux et de divers voyageurs, acheteurs et vendeurs de tout poil qui traversaient le quartier pour se rendre dans différentes zones de la ville, où les attendaient les marchandises ou les clients convoités.
Tout en laissant courir mes doigts sur les cordes de mon instrument, je réfléchissais. La nuit à l’auberge n’était pas très chère, mais d’ici peu de temps le gîte et le couvert m’auraient coûté mes dernières piécettes, aussi était-il urgent de trouver une mission quelconque qui me permettrait de remplir ma bourse. Une mission d’escorte serait absolument parfaite : étant donné que je n’avais pas encore eu l’occasion de tester la solidité et la fiabilité de mes nouvelles armes, je préférais éviter de me faire engager dans une mission où le combat serait assuré… même si, normalement, elles étaient suffisamment bien conçues pour ne pas se briser au premier choc venu, et même durer quelques années si je n’en abusais pas. Cependant, un mercenaire – une mercenaire à plus forte raison – ne pouvait pas se permettre de refuser un travail s’il était bien payé et ne remettait pas ses principes moraux en question, la profession étant bien souvent trop précaire. Je prendrais donc le premier travail convenable qui se présenterait.
Perdue dans mes pensées, je sursautai brusquement en entendant deux passants parler d’un homme perdu au sud d’Emblem, dans la forêt qui cernait la ville. Je diminuai le volume sonore de ma musique et tendis l’oreille. Les ragots en apprenaient souvent bien plus que ce à quoi on pouvait s’attendre.
« Oui, tu sais, Janus, le colporteur… » expliquait le plus jeune à son compère.
« Lui ? Ho ho, il en a pour un moment à ressortir, connaissant son sens de l’orientation… »
« C’est clair ! Et dire qu’il a refusé qu’on l’aide, avec Klion et les autres… sous prétexte qu’on voulait le voler dès qu’il aurait le dos tourné… Tsss, il ne sait vraiment pas où est son intérêt… en plus, il est avare comme pas deux… »
Je rangeai ma mandoline, intéressée. Ce pauvre marchand ambulant aurait sûrement besoin qu’on l’aide, compte tenu de son sens de l’orientation apparemment peu développé… mais qui disait "avare" disais généralement "riche". Si je parvenais à le convaincre que je n’étais pas une vulgaire voleuse, mais une honnête et charitable mercenaire… il y avait certainement de quoi amortir quelque peu l’achat de mes nouvelles armes.
Je réfléchis un instant, puis, convaincue que mon cher instrument ne risquait rien dans une forêt aussi proche d’une ville et seulement peuplée de quelques cerfs inoffensifs, je pris la direction de la porte Sud d’Emblem City, qui donnait sur l’océan de verdure.

(Suite dans "Lieux variés")