[Sheezune] Mission 1 : Imprévu

Encore une nouvelle journée à Emblem City. Le soleil se levait à l'horizon, dardant ses rayons orangés sur les nombreux bâtiments et éblouissant les habitants qui durent mettre la main en visière pour avancer sans risquer de heurter quelque chose ou quelqu'un. Parmi toute cette foule qui s'agglutinait devant les nombreux stands auxquels les marchands criaient pour vendre leurs produits, j'avançai tout en prenant garde à ce qu'aucun bandit ne puisse voler ma bourse. Je me sentais bien aujourd'hui et aucune mauvaise pensée ne me vint à l'esprit. Peut-être était-ce à cause de l'air de cette ville ou de l'ambiance chaleureuse qui y régnait. Au fond, peu importait. Délaissant la place animée, j'empruntai une ruelle au hasard tout en espérant que je parviendrais à rejoindre ma demeure un peu plus tard. Je n'avais jamais eu un sens de l'orientation très développé en vérité. A croire qu'il avait été décidé dès ma naissance que je n'en serais pas dotée. Je me demandai un instant si je tenais cette particularité de ma mère, puis je haussai les épaules. Elle était morte après tout et y penser ne m'apporterait aucune réponse.
Je m'arrêtai subitement lorsque je perçus une présence derrière moi. Lentement, je tirai l'épée du fourreau et fis volte-face, menaçant la gorge de l'inconnue de la pointe de ma lame.
" Je ne vous veux aucun mal alors si vous pouviez abaisser votre épée...
- Une femme seule qui se promène dans ce genre de ruelle mal famée est loin de pouvoir être jugée digne de confiance.
- Je pourrais vous renvoyer la remarque.
Je l'observai un moment. Elle n'était ni grande ni petite et ses longs cheveux bruns encadraient un visage pâle aux traits banals.
- Qui êtes-vous ? demandai-je froidement.
- Peu importe. J'aurais un service à vous demander et je puis vous assurer que vous serez bien payée.
- Je n'ai pas de temps à perdre avec des plaisantins.
Rengainant mon épée, je m'apprêtai à reprendre la route, mais la jeune femme insista :
- Vous êtes mercenaire, non ?
Agacée, mais devant admettre qu'elle avait raison, je me retournai de nouveau vers elle.
- Bien, alors que dois-je faire ?
- J'aimerais que vous trouviez et arrêtiez cet homme.
Fouillant dans une des poches de son pantalon de toile cirée, elle en sortit une vieille affiche jaunie - qu'elle avait sûrement dû arracher au tableau de la mairie - sur laquelle était représenté un homme de taille moyenne avec un petit bouc. Ses yeux gris et perçants étaient profondément enfoncés dans leurs orbites. Une petite bâlafre barrait sa joue gauche et ses cheveux bruns et broussailleux partaient en tout sens, indomptables.
- Très bien. Le voulez-vous mort ou vif ?
- Je le veux impérativement vivant. Dès que vous l'aurez retrouvé, revenez ici avec lui, je vous y attendrai.
- Euh...
Elle n'ajouta rien de plus et se détourna pour entrer dans une habitation située non loin. Laissant échapper un soupir, je finis par me mettre en chemin.

Cela faisait à présent près de deux bonnes heures que je sillonnais les rues de la ville de long en large sans trouver celui que je cherchais. Maugréant, je m'apprêtai à faire une pause lorsque mon regard fut attiré par une silhouette qui bifurquait dans une ruelle un peu plus loin. Apparemment la chance ne m'avait pas encore définitivement quitté. Sans plus attendre, je me mis à courir à sa suite, bousculant les passants qui me gênaient sans même m'excuser. Lorsque l'homme nota ma présence en se retournant brièvement, il s'empressa d'augmenter le rythme de sa course pour m'échapper. La chasse était donnée. Il était " la proie " et j'étais le " prédateur ". A présent, seul le meilleur l'emporterait. Sans plus attendre, j'accélérai à mon tour et bientôt nous nous retrouvâmes à l'orée d'une forêt. L'individu n'hésita pas une seule seconde à s'y engouffrer. Ne voulant pas voir ma première mission échouer, je pénétrai à mon tour dans ce labyrinthe végétal. Ma proie peinait à progresser et de nombreuses branches basses lui fouettaient le visage, mais pourtant il continuait, comme s'il ne ressentait plus la douleur et que seule la peur d'être pris lui donnait des ailes et lui permettait encore de rester debout. Tirant l'épée du fourreau, je tranchai sans mal branches et racines qui me gênaient sans ralentir une seule fois. Je pus rapidement constater que je gagnais du terrain. Pourtant, dans un dernier regain d'énergie " ma proie " augmenta encore l'allure et ses foulées devinrent de plus en plus puissantes, de plus en plus espacées. Il était bel et bien animé par l'énergie du désespoir. Un sourire sadique naquit sur mes lèvres à cette pensée. Il aurait beau courir encore et encore, il ne m'échapperait jamais. Et en effet, quelques minutes plus tard je le plaquais de force au sol tout en le menaçant du plat de mon épée.
- Fin de la course. A présent tu vas me suivre ou je n'hésiterai pas à te trouer le corps.
- Mais enfin, qui êtes-vous ? demanda-t-il d'une voix rauque et paniquée.
- Sheezune, mercenaire de profession. Enchantée de faire votre connaissance.
Je me relevai et l'obligeai à se redresser à son tour en le menaçant toujours de ma lame.
- Bien, à présent indiquez-moi le chemin jusqu'à la sortie.
L'homme parut surpris puisqu'il se retourna légèrement vers moi.
- Vous me demandez de vous indiquer la sortie, c'est bien ça ?
J'opinai de la tête.
- Mais j'ignore où elle est ! s'exclama-t-il.
Un ange passa. Nous voilà bien. Nous étions à présent tous deux perdus dans cet enfer végétal. Je soupirai. Il n'y avait plus qu'à marcher et à espérer que la chance conduirait mes pas au bon endroit.
Je ne sais pas combien de temps cela nous pris, mais quand nous parvînmes enfin à sortir de cette maudite forêt, le soleil était déjà en train de se coucher.
- Qui vous a demandé de m'arrêter ?
- Je n'en sais rien.
- Vous ne connaissez même pas le nom de votre employeur ? s'étonna-t-il. Et vous vous prétendez mercenaire ?
- Mon employeur m'a dit de vous ramener vivant, mais je peux très bien changer d'avis vous savez, rétorquai-je en pointant sa nuque de mon épée.
L'homme se tut et se remit en route. Nous ne mîmes guère longtemps à atteindre la place centrale. J'observai alors les environs. Quelle ruelle avais-je emprunté déjà pour trouver mon employeuse ?
- Bon, choisis.
- Comment ?
- Choisis une direction je te dis.
Quelque peu décontenancé, il indiqua vaguement une ruelle sur sa doite que nous empruntâmes sans plus tarder. Mon employeuse m'y attendait, les bras croisés sur sa poitrine, et tapotait du pied, impatiente.
- Vous en avez mis du temps ! fit-elle en observant l'individu.
Elle eut un regard appréciateur et me jeta une bourse que je rattrapai au vol.
- Vous avez fait du bon travail, mercenaire. Je m'occupe de cet homme à présent. "
Rengainant mon arme, je me détournai et laissai de nouveau le hasard guider mes pas.