[ Rindar ] Mission 1.

Rindar était fin prêt, son plan s’était bien déroulé. Rien n’avait raté. Elle avait fait son travail à merveille, et évidemment, il était venu. La facilité avec laquelle les choses s’étaient déroulées était presque déroutante. Dès qu’elle était entrée, son regard s’est immédiatement posé sur elle. Le vampire avait vu l’éclair qui avait traversé ses yeux. Le désir qui l’avait tiraillé. Evidemment, il n’avait pas résisté ; les humains sont si faibles et influençables. D’ailleurs, c’était son cas à elle aussi. Elle aussi était un vampire. Elle aussi l’avait vu. Et alors qu’elle s’apprêtait à lui sauter dessus Rindar l’avait arrêtée.

« C’est ma proie, lui avait-il dit.
- Navrée, confrère, mais je l’ai vu la première ; il m’appartient avait-elle répondu en retroussant ses lèvres, dévoilant des dents pointues et luisantes.
- Bien sûr, c’est cela t’intéresse chez lui, pas moi ; ce qui m’intéresse, c’est sa tête. En ce cas, je te propose un marché ; tu l’attireras au commissariat, là-bas tu le tueras et tu t’abreuveras de son sang et me laisseras son cadavre afin que je puisse en disposer.
- Quand bien même ne m’aurais-tu pas proposé cette alternative, j’aurai laissé son cadavre au milieu de la route.
- Certes mais je n’aurai pas pu l’amener là-bas. Trop lourd.
- Je comprends. Malheureusement, notre proie est en train d’entrer dans cette taverne, je n’ai plus le temps de discuter ; j’y vais, je respecterai ma part du marché. »

Alors, elle avait sauté du toit, avait atterri gracieusement et était, elle aussi, entrée dans la taverne. Les yeux rouges de Rindar avaient papillonné de la porte à la route, et même des fenêtres, après tout, il n’était pas impossible que la faim de la vampire femelle l’emportât sur sa raison, et qu’elle tue l’homme en s’enfuyant par quelque sortie. Si c’était le cas, le combat aurait été engagé devant les badauds. A cette pensée, Rindar avait eut un rictus. Jusque là accroupi, il avait sauté du toit et avait atterri avec autant de grâce que sa complice. Il s’était positionné vers la fenêtre et avait regardé la scène. Tout s’était bien déroulé, elle avait discuté avec l’homme et lui avait proposé de sortir. Il avait immédiatement hoché la tête et l’avait suivie. Tous deux étaient passés devant Rindar avant de prendre la ruelle de gauche. Le vampire avait eu un bref regard pour son complice avant de se retourner vivement. Rindar avait attendu quelques minutes avant de sauter une nouvelle fois sur le toit, de ce point stratégique, il avait un avantage non négligeable si sa complice décidait de le trahir ; il voyait une grande partie d’Emblem City. Il avait cherché les deux personnes du regard avant de les retrouver non loin d’une étroite ruelle, qu’aucun n’empruntait. C’était un bon choix, là-bas, ils n’attireraient pas les soupçons, tout se passerait bien, un meurtre comme les autres, voilà tout , bien que cela ne fut pas un meurtre mais plutôt une traque qui aboutirait devant l’endroit où il était le moins possible de commettre une infraction ; le commissariat.
La traque avait commencé.

En sautant de toits en toits, Rindar ne perdait jamais de vue ceux qu’ils suivaient. Les quelques humains qui se trouvaient en ces lieux reculés observaient la scène avec appréhension ; ce n’est pas tous les jours qu’un prétendu humain exécute ce genre d’acrobaties. L’astre solaire commençait à diminuer laissant place à la noirceur de la nuit et à la lividité de la lune ; en ces conditions cela serait bien plus aisé. Rindar n’aurait pas à faire attention, il chassait souvent la nuit, bien que les cadavres ne fussent jamais retrouvés, la mort était synonyme de banalité en cette période, à Emblem City. Le vampire esquissa un sourire en pensant à ce qui lui réservait celle-là ; c’était devenu une habitude, ce rictus. Déjà, il sentait le sang, bien qu’il savait que cela n’était qu’un effet de son imagination, il était tellement accoutumé à cette odeur, qu’il lui arrivait à son approche de le sentir. C’était assez ridicule, cette impression et plutôt gênant. Lorsqu’il se retrouve face à une victime expérimentée – un guerrier, un mage ou même un Laguz, non, surtout un Laguz -, cela l’empêche de se concentrer, alors sa proie a plus d’aisance à s’échapper. Commençait alors une course effrénée dans laquelle chacun essaye d’accomplir son dessein ; prendre son adversaire de vitesse. Sauf dans certains cas où Rindar s’occupe de têtes-brûlées qui tentent de l’occire, ce qui est assez risible, quoique non. Vaincre un Vampire est assez rentable, ici, bien que peu réussissent, ce qui explique la forte rémunération en cas de victoire.
Déjà, l’imposante construction était visible. Plissant les yeux, Rindar tenta de repérer les deux compagnons. Il distingua deux ombres qui marchait à une allure mesurée ; l’une d’elle était devant l’autre et s’était retournée afin de faire face à son interlocuteur qui semblait fatigué bien qu’il ne quittât pas des yeux son futur assassin ; tout se passait bien, il ne faisait même pas attention au bâtiment dont ils se rapprochaient, subjugué par la beauté de la créature. Veillant à ne pas les quitter des yeux, Rindar continuait d’avancer à un rythme soutenu. Sa main dans son manteau avait empoigné son couteau, le tome de magie, lui reposait toujours dans sa poche intérieure. Sa proie n’avait pas d’issue. Il pouvait même en rajouter dans la théâtralité ; faire apparaître un mur de glace qui encerclerait la victime, se déplacer rapidement afin que son adversaire ne sache pas où regarder, afin, qu’il prenne peur, qu’il regarde, les yeux écarquillés par la terreur, son assassin, il verrait, non pas les dents de Rindar mais celles de la personne qu’il « convoitait ». Bien sûr, il tenterait de s’enfuir, mais cela serait vite réglé ; avec le tome qui reposait en sa poche le vampire avait établi sa stratégie. Bien sûr il avait oublié de parler d’un point à sa complice ; il faudrait qu’il le tue avait qu’elle puisse se régaler de sa substance vitale, sinon ces heures d’intense réflexion n’aurait servi à rien, ce qui eut été particulièrement déplacé et irritant. En reportant une fois de plus son intention sur les deux personnes, Rindar vit qu’ils avaient atteint le commissariat, il était temps pour lui d’entrer en scène avant que l’irréparable fut commi. Il atteint le dernier toit et sauta sans bruit. Il avait fait attention de faire un bond très haut, cela produisait toujours son petit effet.
En entendant le bruissement des vêtements, le proie s’était vivement retournée, affolée. La vampire, elle regardait l’ombre avec incompréhension, ne devait-il pas attendre qu’elle l’ait tué ? Craignant une trahison elle dévoila ses dents blanches en sifflant. Cela aussi alerta la proie qui fit volte-face pour regarder celle qu’il croyait être sa bienfaitrice. Il eut un hoquet de terreur en apercevant ses attributs héréditaires. Elle l’avait manipulé, et il comprit alors qu’elle était sa nature. Il déglutit et fit deux pas en arrière.
Tandis que Rindar se glissait derrière la proie, la femelle lui demanda :

« Que fais-tu ici ? Ne devais-tu pas attendre que j’en ai fini ?
- Si, mais j’ai oublié de te préciser qu’il fallait que je m’en occupe et que tu t’abreuveras ensuite. Cela ne pose pas de problèmes, j’espère ?
- Tant qu’il me reste quelque chose, dit-elle en ayant un nouveau rictus.
- C’est parfait. »

Alors, la proie tenta de s’enfuir ; tout se passait comme prévu, n’étant pas armée elle ne pouvait rien contre deux vampires assoiffés. Avant qu’il n’eut atteint la sortie de la première ruelle, Rindar sortit son tome et lança une première fois le sortilège, un vent glacial s’empara de l’« arène » et mur de glace obstrua la sortie, tandis que des minces colonnes glacées apparaissaient. En freinant la proie fit demi-tour et prenant une nouvelle ruelle. Echec, il dut se rabattre sur le commissariat qu’il venait de remarquer ; il préférait encore se vendre aux vigiles plutôt que d’être entre les mains glaciales d’un Vampire. La femelle lui barra la route en esquissant un sourire mauvais, sa chevelure rouge dansant au rythme du vent glacé. Rindar percevait alors les battements du cœur de sa victime, il eut un rictus effrayant et s’avança en dégainant son couteau effilé. Même si l’arme était assez petite, il ne l’utilisait que lorsqu’il ne devait pas s‘abreuver du sang de ses victimes ; en ce cas-ci, donc. La proie recula légèrement en fixant la femelle vampire avant de finir avec la lame entre les omoplates. Le sang jaillit et la rouquine se jeta sur lui en lui plantant ses dents dans la gorge. La victime poussa un hurlement à faire tressaillir le plus courageux, et mourut en émettant un long râle. Les pupilles de la femelle furent coloriées d’un pourpre qui tranchait sur sa peau blême. Elle semblait vivre une expérience particulièrement agréable, ses yeux se fermèrent et ne se rouvrirent que lorsqu’elle en eut fini. Elle se releva lentement et fixa longuement Rindar avant de déclarer :

« Rosalie.
- Rindar.
- Au revoir, dit-elle avant de partir d’un petit rire et de s’effacer dans la nuit. »

Sans plus perdre de temps, Rindar entra dans le commissariat et montra le cadavre du doigt. On le regarda avec étonnement puis circonspection, les yeux des vigiles se plissèrent et l’un deux dit au vampire, d’une voix glaciale :

« C’est l’œuvre d’un vampire, ces traces de dents.
- Exact, j’ai été suivi. Alors que j’amenais cet homme, une femme s’est présentée à moi et m’a ordonné de le lui donner. Alors, évidemment, il s’est affolé en demandant ce qu’il se passait, et j’au du recourir à la manière forte pour faire fuir la créature qui avait réussi à le mordre, il n’a pas survécu. Ce ne fut pas une mince affaire croyez-moi, votre aide aurait été la bienvenue, répondit Rindar peut satisfait de sa réponse, il n’était pas impossible que les vigiles de le croient pas.
- Vous avez réussi à faire fuir un vampire ; cela ne manque pas de sel. Nous-mêmes, devons nous y prendre à plusieurs pour les faire déguerpir, et vous voulez nous faire croire que vous avez réussi cet exploit, seul qui plus est ?
- Il n’y a pas d’éléments de comparaison entre vous et moi. Vous savez, être chasseur de primes nécessite une grande expérience, et j’ai la méchante impression que vous me soupçonnez… Penseriez-vous que je puisse être un Vampire ? Ne croyez-vous pas que je vous aurai déjà occis si c’était le cas ?
- Hum… Vous avez raison, navrés de vous avoir soupçonné. »

Rindar déguerpit en passant par une ruelle qui n’avait pas été obstruée par le sort ; si la victime avait fait attention à cela, elle aurait peut-être pu s’échapper.